Naître à la vie ? Oh que non. Naître à la Mort ? C’est certain. Sans avoir été consulté, l’Homme est tiré du Néant et parachuté sur terre, contaminé par cette maladie mortelle sexuellement transmissible qu’est la vie. Tant de symptômes apparaissent : la désillusion de traquer le mirage du bonheur, la poignante présence de la douleur, l’angoisse de se savoir le jouet d’une Puissance Suprême aveugle et absurde, l’ennui qui met à nu la vacuité d’être, l’Ephémère et l’Irréversible qui avalent les rares moments de joie, la vieillesse qui désagrège le corps, la phobie de devoir mourir…
Dans la salle d’attente de la Mort qu’est la vie, dans le service des malades en phase finale – nous y sommes tous et dès la naissance – l’Homme s’ingénie à se concocter des soins palliatifs. La religion, premier anxiolytique, fait miroiter un au-delà voluptueux ; les arts tentent de créer un univers susceptible de soulager l’esprit tourmenté ; les paradis artificiels procurent de l’évasion ; le travail et le divertissement selon l’acception pascalienne protègent de l’ennui ; l’hédonisme distille ses vertus euphorisantes… En dernier recours, au terme de cette longue agonie, l’ultime vrai remède est la Mort qui nous délivre de tout, même de la peur de mourir…
Mourir, serait-ce, comme disait René Char « devenir, mais nulle part, vivant ? »