Le deuxième volume de la trilogie autobiographique de Lojze Kovacic traite des années de guerre passées dans la capitale slovène en proie à la terreur et à la famine. Dans cette ville occupée par l’armée de Mussolini et sous domination nazie, le Bubi enfant du premier volume devient un adolescent assailli de toutes les interrogations de son âge. Le début de la guerre coïncide avec l’éveil de la sexualité et la conscience de plus en plus aiguë d’appartenir définitivement à une famille ni allemande ni slovène, mais à une sorte d’entre-deux sans véritable identité. Un des premiers passages très forts du livre relate la visite médicale organisée par les nazis pour les familles désirant obtenir la nationalité allemande, ce qui est le cas des Kovacic. Mais la mère, indignée par les conditions dans lesquelles on leur fait subir ces examens, renonce à aller en Allemagne puisqu’on y traite les gens avec tant de mépris. Dans son difficile apprentissage du corps, l’adolescent est confronté à la misère dans laquelle vit la famille, puis à la mort de son père, et surtout aux déchirements qu’entraîne le poids des circonstances dans sa vie intime : d’un côté il admire les uniformes italiens mais de l’autre il est révolté par l’arrogance et la cruauté des soldats ; il n’entend autour de lui que des discours violemment anticommunistes mais éprouve un respect mêlé d’admiration pour les maquisards résistants ; il s’interdit des sentiments amoureux qu’il ne pourrait maîtriser parce que ce à quoi il assiste est dangereux : soldats italiens concupiscents, fiancés partis pour le front, jeunes femmes se prostituant pour quelques tickets de rationnement… Au fond ce qui est donné comme la norme dans la Slovénie occupée, à savoir le parti pris pour Mussolini et Hitler, se heurte continuellement au bon sens et à la sensibilité de l’adolescent.