L’accident bête. L’après-midi s’étirait tranquillement, sous un chaud soleil de fin d’été. A 16h40. Michel Cluzel, cycliste émérite et prudent, tombe de sa bicyclette. Lui qui a écumé les cols du Massif Central, dévalant leurs pentes avec un enthousiasme de funambule, vient de chuter à 200 mètres de chez lui, à 3 kilomètres/heure. Verdict sans appel : le fémur n’a pas résisté.
Plus qu’un accident, c’est une rupture, sociale et affective, qui marque le prélude d’un « après » bien incertain pour un septuagénaire. Et le début du parcours hospitalier d’un patient ordinaire. Ordinaire, pas tout à fait. Car ce patient écoute, converse, livre ses impressions, ses doutes et ses enthousiasmes, tendu vers un seul but : s’en sortir et, pourquoi pas, remonter sur un vélo. Et il écrit, comblant ses moments de spleen de souvenirs truculents et de réflexions frappées au coin du bon sens. Peu à peu, ces 80 jours « au bord du monde » se muent en voyage immobile. Il revisite sa propre histoire, goûte l’affection des siens, apprécie la saveur des petits plaisirs ou du simple apaisement de la douleur.