Le libre penseur est aussi un libre écrivain, c’est-à-dire quelqu’un pour lequel griffonner sur une page blanche n’est pas un exercice neutre. Le duel entre religion et athéisme a depuis toujours été le bouillon de culture de la libre pensée. Il n’est pas un ascète ni quelqu’un qui sublime tout le temps. Il est un être sexué comme n’importe quel autre animal de son espèce. Entre son animalité naturelle et son humanité construite, c’est du conflit entre identité et normes qui est exposé dans ce livre. Il n’y a pas de libre pensée sans lucidité, et celle-ci est dès l’origine reconnaissance, prospection même, de ce qui nous fait naître et nous nie comme êtres vivants. Le libre penseur, qui se définit, lui, par le goût revendiqué de la conscience alerte. Il est un homme qui se débat avec les problèmes de son temps - comme n’importe qui, d’ailleurs -, mais avec la ferme intention de ne pas circonscrire sa vie et sa pensée à l’éphémère, si important soit-il. L’activité politique, il la limite à l’exercice de sa lucidité dans les cadres déterminés d’un temps précis et transitoire. Il n’y a pas de politicien qui soit un libre penseur, parce que la politique est une forme de s’attacher à une seule position. Il n’est un partisan que de ses propres opinions et réflexions, non pas d’un programme ou d’un parti déjà défini préalablement, et comme seule projection. C’est ainsi qu’il prend vol le mieux. Et si en politique il ne doute pas de la même façon comme il le fait en philosophie, défendre ses opinions ne l’engage qu’à lui. Ce livre apporte dans une certaine globalité les arguments qui permettent de définir un libre penseur. Il peut y en avoir d’autres. Dans l’attente de sa formulation, ce sont eux, pour le moment, qui, selon l’épigraphe, justifient le terrible et heureux fait d’exister sur cette Terre, surpeuplé ou pas.