Résumé
Un scrupule, pour commencer : qu’il puisse être « déplacé » de susciter l’écriture, la pensée dans cette circonstance, cruelle, et pour en rendre compte, dont nous ne mesurerons la cruauté réelle, entière, qu’après. Scrupule possible ou de principe, mais que cette objection balaie : c’est là où l’écriture, la pensée ne se placent plus assez – que la cruauté atterre, fait fuir –, qu’il faut qu’elles se placent, et se tiennent (leçon entre autres de Bataille). Qu’il le leur faut d’autant plus que cette cruauté est à la fois banale (archaïque) et « commune » (virale).Quoi de plus « commun » qu’une pandémie, en effet, qui pourrait bien être la dernière forme existante du « commun » (n’excluant par principe personne, principe tragique, mais principe du démos aussi bien, dont le mot « pandémie » est fait) et de l’« archaïque », en tout cas sous nos « latitudes », lesquelles n’auraient jamais rien vécu qui ressemble à celle-ci depuis, nous dit-on, un siècle – l’exagération est possible, mais qui importe peu.Contre cette pandémie, on a commandé à toutes et tous de se confiner. Cruauté aussi – inévitable – d’un tel commandement. « Se confiner » pour qui n’a pas où le faire (les migrants, les sans-papiers). Pour qui se confiner va rendre un peu plus invivables encore les conditions de vie qui l’étaient par avance (habitats étroits, pauvres, insalubres ; prisons ; Ehpad). Même aveugle, le virus ne fait pas que tous puissent s’en protéger également, qui n’est par le fait pas pareillement « commun ».Ce numéro de Lignes part de ce qu’il en est de l’être, confinés. De l’être par contrainte, mais s’y prêtant – le contraire d’une séquestration. Le contraire certes, mais plaçant la pensée elle-même comme sous séquestre. Pas que la pensée « politique » du moment, toute la pensée : esthétique, existentielle, amoureuse. La littérature et l’art aussi bien. Qu’est-ce que cet état fait à l’art, à la littérature, à la pensée ? Et lesquels peuvent résulter de la levée de la séquestre ?
L'Auteur
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Michel Surya est écrivain, directeur de la revue Lignes et conseiller éditorial chez Léo Scheer. Il a publié plusieurs récits et romans, une remarquable biographie de Bataille (Georges Bataille, la mort à l'oeuvre, 1987, rééditée chez Gallimard en 1992), et plusieurs essais (dont le dernier, Humanimalités, chez Léo Scheer, 2004).photo : © Catherine Hélie
Auteur(s) : Collectif Collectif
Infos techniques
Editeur : Nouvelles Éditions Lignes
Auteur(s) : Collectif Collectif
Publication : 6 novembre 2020
Support(s) : Livre broché
EAN13 Livre broché : 9782355262005