Si la polémique a mauvaise presse, comment expliquer qu'elle envahit ainsi l'espace public ? Pour comprendre ce paradoxe, il faut reconnaître les vertus d'une gestion du conflit axée sur l'exacerbation du différend. Dénonçant l'obsession du dialogue raisonné en quête d'accord, cet ouvrage fait une apologie de la polémique. Elle est définie ici comme une modalité argumentative fondée sur la dichotomisation, la polarisation et le discrédit jeté sur l'autre, où la passion est en prise sur la raison et où la violence verbale est fonctionnelle et régulée. C'est à travers l'analyse détaillée de cas de figure - les débats sur les femmes ou les discussions sur la distribution des bonus par exemple - que l'on relève les fonctions socio-discursives de la polémique. Elle produit en effet du lien social, porte les élans protestataires, voire incite à l'action, mais surtout, la polémique publique autorise une coexistence dans le dissensus au sein de la démocratie pluraliste où les conflits sont de règle, et le triomphe de l'accord une illusion.