On sait qu'il n'y a aucun sujet que Diderot n'ait abordé, aucun où il n'ait laissé la marque de son génie : philosophie, politique, théâtre, roman, esthétique, critique d'art, et même organisation de l'agriculture, de l'industrie et de l'université. Mais à cause de cette exubérance on l'a souvent accusé de dispersion, à cause de cette curiosité universelle on l'a pris en défaut de méthode, et parce qu'il voulait avant tout être un esprit libre qui n'obéit qu'à son mouvement intérieur, on ne s'est pas fait faute de relever les contradictions de sa pensée.

Le présent ouvrage n'est ni un essai d'apologie ni un passage au crible mais l'effort de restituer ce tourbillon d'idées, de sentiments, d'intuitions, de trouvailles et de paradoxes dans son unité mouvante et imprévisible. Depuis sa jeunesse chez le coutelier de Langres jusqu'à son fameux voyage en Russie où la grande Catherine devait mettre entre elle et le bouillant philoponctuait ses arguments, à travers ses démêlés avec la police, à travers ses séjours en prison, dans sa grande bataille pour l'Encyclopédie à laquelle il consacra vingt-cinq ans de sa vie, nous suivons pas à pas Diderot, l'homme et l'oeuvre indissolublement liés.

Ainsi se dégage la figure d'un des plus grands agitateurs intellectuels de tous les temps, impossible à classer dans une catégorie particulière, mais pour cette raison justement plus vivant que bien des modernes et plus moderne que bien des vivants.