Colonel en rupture d'armée, Krieg vit retiré dans une belle "forteresse" un peu délabrée, non loin du Désert de Retz, cette extravagante "folie" du XVIIIe siècle qui tombe en ruine, à quelques kilomètres de Paris, il mène une existence de hobereau en demi-solde, entre ses chiens, une servante et ses femmes. Certaines se succèdent sans laisser de traces, d'autres résistent, comme Irène, l'actrice, qui l'a aidé de sa présence très tendre, très douce, à franchir cette nouvelle étape de son existence.

Seule Isolde Schultz, une Allemande rencontrée aux antipodes, Isolde aux yeux lamés d'or et de violet, pourrait peut-être bouleverser cette paix, cet équilibre difficilement conquis. Elle lui rappelle une autre Isolde, aimée jadis, du moins le croit-il, près de Hambourg, en pleine guerre, alors qu'abattu par les chasseurs de nuit, il se terrait dans une demeure qui ressemble, en négatif, à celle du Désert de Retz. Mais tandis que se mêlent dans son souvenir ces deux passions, la présente et l'ancienne, la fatalité n'oublie pas de nouer soigneusement ses destins parallèles.

Avec un sens profond des atmosphères, des lieux, de la solitude, de la nature, aussi, des êtres, Jules Roy réussit à écrire ce qu'on n'espère plus guère des romans d'aujourd'hui : un livre ardent et fort, qui soit en même temps une véritable histoire d'amour.