La coupe du monde de rugby approche. Je l?attends comme une nouvelle étape de ma carrière, comme un nouveau combat, à l?issue incertaine, comme toujours. Je la conçois surtout comme un nouveau cadeau que m?offre le rugby.
Si j?écris ces lignes sur ma vie, c?est moins par orgueil - mes amis et mes coéquipiers se moquent assez de ma réserve maladive- que pour honorer ce sport qui m?a formé. Ce livre se veut avant tout un hymne à un ballon ovale dont la trajectoire capricieuse a modelé ma vie. Il est fait du souvenir des amitiés sincères rencontrées sur les terrains, si rudes qu?elles effrayaient ma mère. Il est une prière à Dieu qui m?a façonné ce destin privilégié. Il est un hommage du petit Camerounais qui a débarqué un jour dans la banlieue parisienne et s?est retrouvé à douze ans pour la première fois avec ce drôle de ballon dans les mains. Il est un remerciement à la petite fille de mon âge qui m?a appris les premiers rudiments du placage, cet art qui me vaut aujourd?hui le respect sur les terrains. Il est l?histoire d?autres personnes, éducateurs et amis, de banlieue et d?ailleurs, qui ont transmis patiemment à l?élève assidu leur passion, lui ont inculqué cette exigence professionnelle. Avec eux, j?ai découvert les plaisirs de ce qui est un jeu. J?ai également vécu les frustrations de ce qui reste une discipline.
Mon ambition sportive m?a conduit par hasard sur la Côte basque et j?ai aimé ce pays, ces habitants, ces traditions. Et puis un jour, on m?a tendu le maillot de l?équipe de France et j?ai pleuré. Sous ce maillot, j?ai encore vécu tous les tumultes, toutes les déceptions, tous les bonheurs. Mes sélections m?ont conduit dans le township de Soweto, là où j?ai le plus fortement ressenti ma couleur, ma différence, m?ont transporté dans cette Argentine que j?ai visitée une fois insouciante, une autre fois en détresse. Yaoundé, Clichy, Biarritz, Twickenham, Soweto, Buenos Aires, les images se bousculent, me mettent la tête à l?envers comme à ses adversaires à qui je fais faire le soleil.